En Suisse, elle a retrouvé la foi
Dieu a parlé à Ganna à travers les paroissiens de Trélex. Elle arrivait de son pays natal, le choc des images de la guerre encore présent, et ils se sont placés à ses côtés pour éviter qu’elle ne sombre dans ses idées noires. Depuis un banc de «son» temple, sa voix résonne alors qu’elle cherche ses mots, parfois en anglais, d’autres fois en français.
«Quand j’ai fait mes premiers pas en Suisse, j’étais détruite. Je pleurais sans arrêt. Mais Dieu m’a donné un signe. Les gens pensent que Dieu leur parlera avec sa propre voix, depuis le ciel, mais non. Pour moi, c’était les autres. Les gens du village m’ont encouragée à venir au temple et, au terme du culte, ils m’ont prise sous leur aile. C’était ça, le signe.» Un signe qui a changé sa vie puisque son engagement pour l’Eglise est désormais total : autrefois dentiste, elle étudie maintenant pour devenir diacre. Quand elle le raconte, ses yeux se mettent à briller.
Guidée par le besoin de son prochain
A 45 ans, Ganna Kiryanova a tout laissé derrière elle, une nouvelle fois, pour échapper à la guerre après avoir déjà dû fuir la Crimée en 2014 lors de l’annexion de celle-ci par la Russie. Elle a abandonné sa carrière de chirurgienne maxillo-faciale, ses projets caritatifs de soins dentaires aux défavorisés, toute une vie qu’elle avait construite depuis son arrivée à Kiev. Déjà à l’époque, le besoin de son prochain guidait sa vie.
Aujourd’hui, sa vie tourne autour de l’Eglise réformée, en particulier la paroisse de Genolier, dont fait partie la commune de Trélex. Il y a les réunions Vie et Foi, le groupe œcuménique de rencontres et d’échanges autour de la Bible. Et tous les quinze jours, elle anime les rencontres pour enfants en collaboration avec le pasteur Jean-Marie Christen.
Avec cette dizaine d’enfants de 4 à 9 ans, elle étudie en ce moment le Notre Père, pour leur permettre de bien comprendre sa portée. Et puis il y a, surtout, à côté de ses trois heures quotidiennes de cours de français, le séminaire qu’elle suit à distance en Ukraine pour obtenir son diplôme de diacre. Alors, elle s’est mise au grec ancien, à l’hébreu, à la théologie, évidemment. Une histoire de famille puisque son fils David était arrivé peu avant elle en Suisse pour étudier à la Faculté de théologie de l’Université de Lausanne.
Accompagner les communautés étrangères
Pour Ganna Kiryanova, le retour en Ukraine une fois la guerre terminée n’est pas une évidence. Son objectif, après l’obtention de son diplôme de diacre et une fois son français suffisant, est de s’inscrire en Faculté de théologie afin de devenir pasteure. Elle en parle comme d’une destinée divine, elle qui, en Ukraine, fréquentait les bancs d’une église orthodoxe. Mais dans son pays natal, les femmes vivent leur foi en silence et voilées. Alors pasteure, oui, mais pas n’importe comment. Elle veut accompagner des communautés étrangères.
«Je suis étrangère, alors je les comprends. Pour moi, un pasteur aide et protège les personnes, alors que dans l’Eglise orthodoxe, ce sont des gens spéciaux, au-dessus. Je ne veux pas de cela.» Pour obtenir son diplôme d’ici 2025, elle prépare un mémoire de 80 pages sur le thème «L’Eglise à la maison, dans le cadre des communautés réformées, catholiques et orthodoxes».
Pratiquer la foi dans le confinement de la maison, très peu pour elle cependant. Maintenant qu’il lui a permis de se relever, son engagement dans l’EERV l’aide à se maintenir debout au quotidien. «En Ukraine, j’allais à l’église orthodoxe, mais pas tous les dimanches. Ce n’était pas un rituel. Ici, j’ai compris à quel point c’est important. Je prie tous les jours. Je vais au temple tous les dimanches. Le gouvernement suisse m’a fourni de l’argent pour la nourriture et une assurance. L’Eglise m’a, elle, donné le sens de la vie, une vie sociale et mon épanouissement personnel.»