Le carême ou la grâce?

La pénitence ou la grâce? / © Shutterstock-Vetre
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La pénitence ou la grâce?
© Shutterstock-Vetre

Le carême ou la grâce?

Geneviève Butticaz, pasteure
30 janvier 2025
Carême
Et s’il n’y avait plus rien à faire? Juste à ouvrir son cœur, son corps et son âme, afin que Dieu puisse venir y déverser sa manne? Et s’il n’y avait plus qu’à le laisser prendre soin de nous, tout en surfant sur les vagues de l’existence dans une certitude absolue que tout nous est donné.

«Car notre Père sait ce dont nous avons besoin, avant que nous ne le lui demandions», Matthieu 6, 8. 

Oui, tout nous est donné, jusqu’à l’impensable, jusqu’à l’inimaginable, et ce, gratuitement, sans que nous n’ayons rien à faire! Rien à faire, vraiment?! 

Oh, je vous imagine lisant ces lignes, assis sur votre chaise à la table de la cuisine ou sur le canapé, je vous vois froncer les sourcils et intérieurement vous dire: «bien trop beau pour être vrai». Peut-être que certains d’entre vous seraient plus à l’aise avec cette phrase que mon arrière-grand-mère se plaisait à dire: «Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front», à lire dans Genèse 3, 19, ou encore, plus populaire, «On n’a jamais rien sans rien!». 

J’ai longtemps été en cohérence avec cette vision, il n’y a de ma part aucun jugement, juste de la taquinerie. 

Et si la vérité était autre? Et si un autre temps était venu? Et si notre manière d’envisager le monde, la vie, l’existence était désuète et demandait un reformatage complet? Comme quand on décide de changer de disque dur, de vider nos données et d’insérer un nouveau logiciel. 

Et si nos réformateurs avaient vu juste? Ne serait-ce pas le message que sous-tend ce mot extraordinaire, intuitivement mis en avant par Luther: «La grâce seule». 

Dans un monde où l’on a pris l’habitude d’intégrer profondément dans nos cellules que la vie doit se gagner; dans une société où la gratuité devient une denrée rare et ou, peut-être, nous sommes peu habitués à accepter qu’on nous donne quelque chose pour rien, juste comme ça… 

J’en veux pour preuve nos réactions souvent fortes lorsque quelqu’un nous rend un service qui n’était pas prévu. Je ne sais pas vous, mais moi, je sais qu’il m’est très difficile de «recevoir» et que mon premier réflexe est de dire: «Alors non, j’accepte mais je te paie!» Et si l’autre refuse mon paiement, je lui dis: «Je te donnerai quelque chose dans ce cas!». La prochaine fois que quelqu’un vous fera un compliment, que ce soit sur votre tenue, votre cuisine, peu importe, soyez attentif à votre réaction. Bien souvent, nous sommes gênés et répondons par un: «Ha, cette robe, mais c’est une vieillerie!» Ou alors, «Ha, mais c’est une recette hyper simple, rien de bien compliqué!». 

Recevoir est un apprentissage. De fait, vivre réellement de la grâce de Dieu est une étape dans une vie de foi, un palier bien plus grand qu’il n’y paraît au premier abord, car c’est entrer dans une dimension ou tout semble inversé à première vue et si loin de notre éducation et de ce que la société souhaite nous faire croire. Avec le Christ, une nouvelle réalité s’est approchée, une autre manière d’envisager notre quotidien nous a été transmise. Il est plus que temps pour nous tous de commencer à en vivre. 

En abolissant le carême comme une pratique nécessaire, permettant de se rapprocher de Dieu, et ce, au travers du jeûne notamment et de la contrition, notre tradition réformée a redit l’importance de s’ouvrir au don que Dieu nous a fait au travers de son Fils. Ce don qui fait de nous des êtres libres, non esclaves de croyances nous réduisant à semer, bêcher et transpirer dans la douleur. Nous avons de quoi être fiers de notre tradition ! Fiers de notre théologie et de notre Eglise! 

Inscrivons-nous dans le sillon de la grâce en ce temps de carême qui s’ouvre et qui nous prépare à recevoir en nous l’inscription du Fils lui-même, offrant sa vie sans aucune contrepartie.