«Ma foi n’est pas dans les certitudes»
Ai-je toujours eu la foi ou est-elle arrivée plus tard, durant mes études? C’est la question que m’a posée l’une de mes paroissiennes lors de ma première visite à l’EMS de Satigny. Fille de pasteur, mes premiers souvenirs sont liés à la chapelle Saint-Léger à Genève, à l’Antonierkirche et à l’église française de Berne. Des lieux sobres qui étaient ma maison. Fille de réfugié, j’ai toujours été sensible à la thématique des déplacements. Mon père a fui Budapest durant l’hiver 1948-49. La politique et le rideau de fer le séparant de sa vie d’avant étaient omniprésents, même si mon père a toujours évité toute activité politique.
Enfant, j’étais bercée par les psaumes chantés par mon père, en hongrois bien sûr. J’étais persuadée que la langue maternelle de Dieu était le hongrois – d’ailleurs il y a même un Hongrois, István Bocskay, sur le Mur des réformateurs. Plus tard, les chants de l’école du dimanche se sont ajoutés à mon répertoire, ainsi que les cantiques classiques chantés à la paroisse française de Berne.
Entre l’assurance que «le Seigneur est mon berger, que c’est en Toi que nous avons mis notre confiance dès le début» (traduction libre du Ps 90 chanté en hongrois) et que «Certes, c’est chose belle de louer le Seigneur», comment ne pas Le porter dans mon cœur?
Mais la question des études a été difficile… Avais-je la foi nécessaire pour entreprendre un cursus en théologie? Mes doutes m’ont menée sur les bancs de la Faculté de droit, puis en Lettres pour étudier la science des religions, l’éthique et la philosophie politique, et l’anthropologie sociale dans une université catholique. La confrontation avec une théologie différente m’a permis de mieux déterminer d’où je venais et quelles étaient mes références. Double travail, certes, mais rencontre de l’Autre profondément fondatrice. Théologie catholique, philosophie juive, cours d’islam, de bouddhisme et d’hindouisme, tant d’ouvertures et d’occasions de me confronter à l’héritage réformé et à son importance dans ma construction.
C’est ainsi qu’à mes yeux, la théologie n’est pas imaginable sans action diaconale ou citoyenne, car c’est auprès des plus petits que Jésus a vécu et œuvré. Après 30 ans de lutte avec mon appel et de nombreux engagements ecclésiaux, j’ai entrepris un stage diaconal en paroisse et à l’AGORA, auprès des requérants d’asile et des réfugiés. Aujourd’hui, je suis heureuse de servir en Région Rhône-Mandement, de participer à et encourager la vie communautaire, avec toujours un regard porté vers le plus petit, quel qu’il soit. Et pour moi, il n’y a rien de mieux que la vie d’une communauté pour (s’)ouvrir à l’Autre et pour être Eglise dans le monde! Ma foi n’est pas dans les certitudes, mais dans les moments de grâce éclairant nos doutes et nos ténèbres humaines, lorsque je vis un instant d’éternité qui me rapproche de l’amour de Dieu. Nous sommes la lumière du monde, alors éclairons-le ensemble.
Bio
Née en 1976, Agnès Krüzsely est diacre à plein temps en Région Rhône-Mandement, répondante des paroisses du Mandement et de Vernier. Son ministère est généraliste, allant de l’éveil à la foi et des cultes en EMS, en passant par le KT enfants, ados et confirmands et des cultes dominicaux. Elle fait aussi partie du comité exécutif de la Plateforme interreligieuse de Genève en tant que déléguée de l’EPG. Vous pouvez la voir se déplacer à vélo, chaussures Doc Martens colorées aux pieds